That is, in fact, not the question…

Dans l’Aïkido traditionnel, il est d’usage de porter une ceinture blanche (sans distinction de kyū, donc), jusqu’à la ceinture noire. Mais avant l’obtention de celle-ci, il existe, dans la vie de l’aïkidoka, un petit événement qui vient ponctuer son parcours d’un minimum de distinction de son ancienneté. C’est bien entendu le port du hakama. À ce stade, le pratiquant est invité à laisser de côté la ceinture « classique », étroite, pour privilégier le obi (帯), plus large, qui se place au milieu des crêtes iliaques et facilite l’ajustement des lanières du hakama.

Première correction terminologique: les ceintures classiques sont, en réalité, déjà des obi, puisque ce terme générique désigne toutes les ceintures (de longueur, largeur, et style variables) utilisées avec kimono, yukata, et pour ce qui nous concerne, keiko gi. De la même façon que le hakama est une jupe-culotte traditionnelle, le obi est une ceinture traditionnelle dans l’habillement japonais, dont les formes et les styles ont commencé à grandement se diversifier durant la période Edo. Il existe de très nombreux types de obi, adaptés à des usages différents.

Si les ceintures classiques sont la plupart du temps étroites et relativement épaisses, les obi que l’on nous suggère de porter sous un hakama sont assez fins et souples, mais aussi plus larges (6cm pour ceux qui sont sur la photo). C’est ce qui les rend particulièrement bien adaptés au port du hakama…

Depuis quelques années cependant, dans les dojo ou les stages d’Aïkido, l’on voit se répandre l’usage d’un autre genre de obi, le « kaku obi » (角帯) encore plus large (le mien fait 10cm), très ornementé (comme en témoigne la photo ci-dessous), voire même de couleurs différentes, en sus des classiques blanc et noir…

En stage, j’ai souvent entendu dire « oui, mais ça, c’est des obi de Iaï ». Il est vrai que la plupart des magasins d’arts martiaux les classent dans la catégorie « Accessoires de Iaïdo ». La question est donc la suivante: peut-on utiliser ces fameux obi « de Iaï » quand on pratique l’Aïkido ? À mon sens, la réponse est oui mais. Voici pourquoi…

Tout d’abord, Tamura Senseï lui-même conseille explicitement l’utilisation de ceintures « du même type que celles utilisées par les pratiquants de Iaï » (Étiquette et Transmission, p.115). Mais attention, dans le même paragraphe, il restreint la teinte à blanc, et noir ou indigo pour les yūdansha. En conséquence, si vous êtes l’heureux détenteur d’un obi coloré, vous méritez une contravention (de même, si du haut de votre kyū, vous portez un obi bleu ou noir). 😜

Ensuite, je pense que l’utilisation de kaku obi dans l’Aïkido se justifie également sur le plan historique. Dès l’époque Edo, les samuraï sont considérés dans l’ordre social comme une classe dirigeante. Il est donc parfaitement justifié, pour quiconque étudie les « arts de la guerre » de porter un obi un tant soit peu élaboré, symbole historique d’une classe sociale considérée comme haute. Notons que les kaku obi sont par définition adaptés à tous types de situations, des plus informelles aux plus formelles.

Ce qui nous amène à une dernière remarque. Les kaku obi que l’on nous propose dans les boutiques d’art martiaux ont une particularité: ils sont réversibles, avec un côté sobre et un côté plus bariolé. En cela, ils sont à rapprocher d’un autre type de obi très à la mode durant la période Meiji: les « chūya obi » (昼夜帯), féminins, beaucoup plus larges, et très souvent pourvus d’un côté simple et austère ainsi que d’un côté beaucoup plus coloré et décoré, le tout confectionné à partir de deux étoffes différentes.

Dans la tradition, on réservait l’emploi du côté simple pour les usages informels de la vie quotidienne, et celui du côté voyant pour l’apparat, les grandes occasions, les cérémonies. C’est pour cette raison que dans l’esprit de sobriété qu’impose notre discipline, et si l’on veut respecter les usages traditionnels, on devrait utiliser le côté sobre des kaku obi pour la pratique quotidienne et les stages, et réserver l’autre côté pour les cérémonies (telles les remises de diplômes). Après tout, même si le obi est en grande partie caché sous le hakama, on le voit quand même assez bien sur les côtés…

Pour terminer cet article, et parce que j’entends bien toutes les pensées négatives qui s’expriment… « ça sert à rien d’avoir un zoli obi si c’est pour cacher le zoli côté ! ». Plusieurs solutions. D’abord, vous pouvez totalement ignorer tout ce que je raconte. Sinon, il est toujours possible de mettre son obi du côté simple, mais de le nouer de façon à exposer un peu le zoli côté, qui restera cependant bien caché sous le hakama. Comme ça, vous respectez la sobriété de la pratique tout en sachant qu’en secret, il se passe des choses sous la jupette, et à la fin du cours, quand vous enlevez votre hakama, vous en mettez plein la vue à tout le monde avec le zoli noeud. Vala vala…

Catégories : Culture

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